Sale week-end pour la gauche républicaine sur Pornichet – La Baule. Communistes, Socialistes et Ecologistes sont passés à la trappe, éjectés par deux conservateurs bon teint, lors du premier tour des élections cantonales. Entre UMP canal historique et UMP canal opportuniste, le choix démocratique est bien limité.
Désintérêt massif pour une élection aux finalités illisibles, défiance largement répandue envers l'efficacité de l'action publique, actualité internationale qui accapare les médias et jolie journée de printemps, le grey power a eu les mains libres pour prendre le pouvoir électoral. A Pornichet, dans chaque bureau, les moins de 40 ans à être passés devant la machine de vote se comptent sur les doigts des deux mains. Résultat, Robert Belliot, qui, dans un triste remake des municipales de 2008, a fait une campagne à l'estomac, tire les marrons du feu. Sale journée décidément pour les tenants d'une République vivante.
Campanilismo
Institution de grand papa inadaptée à la société urbaine contemporaine, le département n'intéresse plus personne, son action est illisible et ses compétences gagneraient à être redistribuées entre régions et intercommunalités. Face à cette élection à l'intérêt tout relatif, l'affrontement politique s'est focalisé nationalement sur le renouveau fétide du Front National, le discrédit de l'UMP sarko-coppéiste et la difficulté socialiste à faire émerger un contre-projet dans l'attente de la décision de l'imam caché du FMI.
Localement, les enjeux départementaux et nationaux ont disparu derrière un double affrontement : droite contre droite et La Baule contre Pornichet. Résultat, l'oxygène politique a manqué à tous ceux qui cherchaient à dépasser ces querelles de clocher. Ce contexte a fait deux grosses victimes, les socialistes et les centristes.
Le PS présentait un candidat tout ce qu'il y a de plus respectable, Erwan Le Moigne, doublonnée de la Pornichétine Josiane Robert, qui ne ménage pas sa peine pour tenir tête à Robert Belliot dans le cadre de son mandat municipal. Faute probablement d'une campagne offensive et suffisamment orientée terrain, la candidature PS a juste limité la casse à Pornichet, mais essuyé un sérieux revers à La Baule. Au final, une soixantaine de voix font défaut pour solliciter les suffrages des électeurs au second tour.
Les exégètes de l'isoloir ont le sentiment que la résistance correcte du PS, voire de la gauche dans son ensemble, sur Pornichet, s'explique par une meilleure mobilisation de l'électorat progressiste à Pornichet qu'à La Baule. On peut en effet imaginer que le ras-le-bol de la politique et des méthodes Belliot ont entrainé un regain de mobilisation dans une partie déjà conscientisée du corps électoral. Avec près de 36% des voix, le camp progressiste atteint un score cependant historiquement bas, inférieur de 2 points, par exemple, au score Lambert de 2008.
Autre victime majeure de ce scrutin atypique, la suppléante Modem, Patricia Gallerneau. Incapable aux régionales de tirer localement la liste qu'elle dirigeait (5%), elle s'enfonce encore pour s'établir à 3 %. Affaiblie par ces deux échecs magistraux, elle n'est plus en position pour s'imposer comme la personnalité incontournable des prochaines municipales et aura même des difficultés à revendiquer le leadership de ses propres troupes, lasses des pratiques de leur ancienne tête de liste.
Plus qu'une campagne médiocre, la candidate Modem, et plus encore le candidat socialiste ont probablement été largement victimes de ce que les Italiens aiment appeler le campanilismo, cet esprit de clocher qui supplante les clivages traditionnels pour s'imposer comme l'élément structurant du débat politique. Ainsi, Robert Belliot obtient 36 % des voix à Pornichet mais seulement 13 % à La Baule. Symétriquement, Gatien Meunier, l'Umpiste baulois, obtient 36 % dans sa commune et seulement 11 % à Pornichet. A noter tout de même que Robert Belliot perd sur son nom, à Pornichet, plus de 1.000 voix par rapport à son score du premier tour des municipales 2008. Un signe ?
Dilemme
Bleu bonnet et bonnet bleu, voilà le choix cornélien qui s'offre aux électeurs ce dimanche. Entre un apparatchik UMP et un opportuniste UMP, l'alternative est cruelle et peu exaltante.
Que faire lorsqu'on est électeur de gauche à Pornichet dans ce contexte ? Doit-on voter Meunier pour faire barrage coûte que coûte à Belliot ? Doit-on voter Belliot par patriotisme communal ? Doit-on profiter de la plage ? Le dilemme est réel.
En démocratie, les partis, avec toutes leurs limites, constituent néanmoins la pierre angulaire du système de formation et de sélection des candidats et de définition d'orientations idéologues et programmatiques. Sans partis politiques pour structurer le champ démocratique, les intérêts locaux, financiers, religieux, individuels s'imposeraient au mépris de l'intérêt général.
Robert Belliot surfe sur la vague populiste de défiance envers les partis politiques en jouant la carte du dépassement des clivages partisans, de l'intérêt local… Sans étiquette aux municipales de 2008, il devient, par ambition, UMP en 2009 avant de se présenter sous l'étiquette Divers Droite aux présentes cantonales faute d'avoir été investi par les militants UMP. Robert Belliot n'a qu'une ligne politique, son ambition, qu'un totem, la girouette !
Il pourrait être intéressant de s'intéresser aux méthodes de campagne et aux orientations politiques proposées pour départager les deux candidats. Côté Belliot, les choses sont simples, je suis maire donc… je suis. Un peu court côté argumentaire surtout lorsqu'on décortique les tenants et aboutissants de sa politique municipale. Il ne parle que de lui, ne communique que sur lui. Il passe sous silence les compétences du Conseil général recherchant uniquement un plébiscite sur sa petite personne.
Côté Meunier, l'approche est moins populiste. Il porte une orientation politique claire pour proposer une alternative à la politique conduite par la majorité progressiste du Conseil général. Il ne joue pas la carte de l'ultra localisme et du clientélisme. L'un est Belliotard, l'autre est Umpiste, une différence de nature à méditer.
Dans le même esprit, il serait tentant de voter dans un esprit de front républicain. Considérant alors que les méthodes, les valeurs, l'idéologie explicite ou sous-jacente, les amitiés de Robert Belliot le rapprochent plus des gars de la Marine que des valeurs républicaines, nombreux seront les citoyens de gauche à voter UMP en se bouchant le nez, comme en 2002. Ce choix douloureux se fondera alors plus sur des enjeux liés au campanilismo que sur des considérations nationales. Ce n'est pas enthousiasmant mais cela fera du bien, surtout si Belliot est renvoyé dimanche soir à sa boulimie égocentrique.
De son côté Le Poulpe va profiter de ce sombre week-end pour faire un tour dans les abysses faire le plein d'encre pour participer aux nécessaires initiatives qui ponctueront ces prochains mois afin de faire émerger, loin de toute fatalité socio-démographique, une alternative au belliotisme. Lorsqu'il fera surface ce dimanche vers 20h00, il est espère bien voir Robert Belliot manger la poussière et méditer sur la capacité de la démocratie à se prémunir des prédateurs qui sapent ses fondements.